_DSC0644 (1)Le porno et moi, nous sommes un couple en désamour. Comme dans chaque problème conjugal, la responsabilité est partagée. De mon côté : une vie de couple, la maternité, beaucoup de travail et moins de temps et d’énergie pour la branlette. De son côté : des tubes qui proposent à la pelle du faux amateur fait à la va-vite, et la répétition des mêmes scénarios sexuels ennuyants, mettant en scène des mecs aux grosses bites et au regard bovin, et des meufs qui font semblant d’adoooorer les gorges profondes. Bref, on est fâchés. Mais sachant qu’un autre porno est possible, et donc qu’une autre consommation est possible, j’ai décidé de chroniquer, dans Brain, régulièrement, une vidéo ou un film «différents». Ce sont un peu les Cahiers Sales du Cinéma. C’est Make my porn great again !

Je ne suis pas très #lesbian, comme fille. Enfin... dans la vraie vie, j’ai eu une histoire amoureuse avec une femme, mais dans ma vie érotico-pornographique, je regarde très peu de porno lesbien. D’après les statistiques 2018 réalisées par le géant Pornhub, c’est pourtant le tag mondialement le plus tapé. Avant “hentaï”, “MILF”, et “stepmom”. Ayant arrêté les dessins animés depuis que j’ai 12 ans, étant moi-même une MILF et n’ayant jamais ressenti de désir pour ma belle-mère Anne-Marie, je ne me retrouve pas non plus dans les autres catégories. Je ne suis pas très genrée, apparemment, puisque le tag #lesbian est particulièrement populaire chez les consommatrices. Alors pourquoi ne suis-je pas excitée par ces vidéos ?

Première réponse assez basique : je suis à 90% hétéro. Mon imaginaire sexuel est donc assez marqué par la présence, dans le scénario, à un moment donné, d’un individu doté d’un pénis. Mais toutes les filles qui tapent #lesbian ne sont pas non plus lesbiennes — des femmes regardent du porno gay, des trans regardent du porno cis, bref le fantasme dépasse les questions d’orientations ou d’identités sexuelles.oriane1Deuxième réponse : même si je suis très consciente du fait que le fake est la base du porno, je déteste quand je perçois que les performeuses, hétéros, ne sont légitimement pas du tout attirées par les femmes. Ça se voit vraiment. Déjà elles ont souvent des ongles trop longs. Helloooo les griffures dans la chatte. Et elles font ce que j’appelle : “les petits chatons”. Elles minaudent, quoi. Elles font des petits bruits, et ont des regards qui disent : “Ohlala, Samantha, c’est bon ce que tu me fais. - Mmmh, merci Jessica, t’es jolie tu sais”.  Alors que tout leur corps et leur visage devraient dire : “Si je ne te bouffe pas la chatte, là, maintenant, je vais crever”. Elles sont clairement en représentation pour un public d’hommes, elles sont là pour se “chauffer”, c’est tout. Comme dans les clubs libertins, où Madame A est incitée à léchouiller Madame B, pour exciter ces Messieurs. DSC1183 (1)Ces dernières années, que ce soit à la Fête Du Slip de Lausanne ou au Porn Film de Berlin, j’ai pu, heureusement, découvrir un autre type de porno lesbien : réalisé par des femmes, avec des performeuses bi ou lesbiennes. Cela change tout. Des corps divers et jouissants, des pratiques soft ou hard, de la cyprine en veux-tu en voilà. Aujourd’hui je vais justement regarder un film d’une jeune Hollandaise désormais installée à Berlin, et qui commence à cartonner dans le petit milieu du porno féministe et queer : Poppy Sanchez. Son film, Tease Cake, est produit par Erika Lust et diffusé sur le site payant XConfessions. Le casting est composé de quatre performeuses : Le Roy, Lina Bembe, Mitsuki Sweet, et ma chouchoute, Romy Furie.

Les premières images me mettent l’eau à la bouche : pour une fête d’anniversaire, une jeune femme dresse sur une table de sublimes pâtisseries colorées et des sucreries pop. L’image, la déco, la musique sont romantico-seventies, comme un hommage à Bilitis de David Hamilton. Il y a du napperon blanc, de la lingerie beige, des fleurs pastels, et du chandelier cristallin. Un univers graphique, poétique, que j’affectionne particulièrement. Il manque juste une chaise Emmanuelle au décor.oriane2Ses trois invitées arrivent, et on comprend rapidement que ce ne sera pas une scène d’Un dîner presque parfait, ni un épisode de My Super Sweet Sixteen. Tout se passe sur la table du salon, au milieu des gâteaux et des tartes (le premier qui sort la vanne : “elles mangent des tartes aux poils, huhu” se prend un fouet de cuisine là où je pense).

Il y a des doigts salis de crème, des bouches qui lèchent un double gode en verre couvert de chantilly, du liquide sucré versé sur des seins blancs. Dans la vraie vie, je n’aime pas du tout mélanger sexe et bouffe, mais dans ce film, ça marche. Les filles s’amusent avec délice. Blonde, brune, mince, corpulente : elles sont toutes puissamment sexy, sublimées par l’image de Poppy.  Après une scène de cake-sitting (le fait de s’asseoir nu sur un gros gâteau crémeux, ndlr) et d’autres entartages fessiers, on passe aux choses sérieuses : masturbations, cunnis, pénétrations avec un autre très beau gode en verre. Il y a des rire et des soupirs. Poppy alterne avec un rythme idéal les plans sur les visages extatiques et les plans larges sur les quatre femmes, aux corps entremêlés et barbouillés.oriane3

À la fin du film, je me dis que je me suis réconciliée avec le tag #lesbian. En tout cas quand il y a une telle image, et un tel casting. Je ne pense pas que ce soit le film qui m’ait le plus excité de toute ma vie de consommatrice de porno ; en revanche, c’est l'un des rares où je me suis dit que j’aurais vraiment aimé être à la place de l’une de ses filles. Et même... que j’y avais ma place. Mon anniversaire, c’est le 18 juillet.

++ Tease Cake, de Poppy Sanchez, sur le site XConfessions.

Crédits photos : Natália Zajačik